Trains de nuit

Ils disparaissent les uns après les autres, mais le mythe restera ! Du fabuleux Orient-Express d’Hercule Poirot aux modestes trains de nuit tortillant jusqu’à des destinations pour lesquels ils sont le seul moyen de désenclavement, en passant par des noms mythiques tels Le Train Bleu, Le Rialto etc .. ce moyen de transport un peu à part a su forger son histoire à travers les pays, à travers les paysages. Sa clientèle est très variée, allant des riches personnages de la belle époque voyageant en luxueuses voitures Pullman, aux émigrés fuyants les pays de l’Est en guerre dans les années 90, ces trains au long cours sont ceux qui recensent sans doute le plus d’Histoires en eux, tant pour ceux qui ont voyagé dedans que pour ceux qui y travaillent ! Propices aux rencontres, créateurs d’imaginaire, retrouvons ici quelque peu l’ambiance particulière présente dans ces trains en voie de disparition et profitons en pour faire un petit tour d’horizon des derniers « couchette » circulant en France…

VSOE

Voyager en train de nuit

Voitures lits, voitures salons, T2, couchettes, places assises, autant de type de places que de types de voyages possibles! Si les couples en lune de miel pour Venise s'installaient dans une très confortable Excelsior, les budgets modestes préféreront les voitures en places assises inclinables (les dernières qui ont la couleur d'origine des voitures corail, comme vous le verrez sur les photos suivantes), les familles s'installeront dans des couchettes à 4 en première ou 6 places en seconde, etc mais avec toujours la même idée qu'au réveil en ouvrant les yeux et en écartant le store on apercevra la mer, l’océan, les alpes, la neige, le lever du soleil… Economie d’une nuit d’hôtel, économie de temps, et toute une nuit bercés par le "tac tac" des rails, à l'image de ces voyageurs montés sur la côte Basque dans la "Palombe Bleue" qui traversent en pleine nuit une petite gare de Haute-Garonne, ils se réveilleront le lendemain matin au coeur de la capitale.

Palombe Bleue

Et oui, la Palombe Bleue, cet oiseau du sud Ouest a donné son nom au train reliant Paris à Irun via Dax, Bayonne, Biarritz, Hendaye.. Et c'est comme ça pour quasiment chaque train de nuit, ils ont leur petit nom qui ajoute un peu encore à la magie du Voyage. Le Côte Vermeille vous mènera à Perpignan, Collioure, Port-Bou, la Vallée Blanche monte à St Gervais-les-Bains dans les Alpes, le Val de Durance grimpe jusqu'à la citadelle de Briançon, le Train Bleu longe la côte d'Azur, le Lorazur et l'Asace Rivièra ralient le Nord-Est à la côte Nicoise, le Mare Nostrum longe la méditerannée jusqu'à Cartagène, le Francisco de Goya ralie lui Paris à Madrid… on pourrait continuer la liste longtemps tant ces trains ont été nombreux !

Avant de monter à Bord

A l'origine de ces trains il y a également toute une ambiance, les longues queues d'attente au filtrage de Paris-Austerlitz avec les skis sur le dos en hiver, les shorts et les sacs de couchage sous le bras en été, les derniers baisers avant un long voyage, et évidemment, les négociateurs avec les contrôleurs!

ASCT à SG mulhouse

Avant de monter à bord, les trains ont été préparés toute la journée par le personnel de la litterie, par les couchettistes qui veillent à ce que votre couchette soit prête à vous héberger, et la rame est mise à quai, comme ici par votre serviteur qui s'est immortalisé à l'arrivée en gare de Paris Austerlitz, gare origine de la majorité des trains de nuit aujourd'hui.

remonte PAZ

Et voilà votre train prêt à s'élancer vers d'autres horizons! A l'image de cette Polombe-Bleue 4053 Paris - Irun (31.08.2015), prête au départ, faisons un tour d'horizon photographique de ces différents trains de nuits…

palombe PAZ

le Train Bleu

Et puisque sur la photo précédante nous pouvons apercevoir à droite le 5773 Paris-Nice s'élancer commençons notre voyage par celui-ci! A l'origine il était terminus Vintimille (à la frontière franco-espagnole après Menton) mais depuis 2008 il termine sa course azuréenne à Nice. Après avoir dévallé la vallée du Rhône il commence ses arrêts à Marseille, Toulon puis traverse les superbes paysages de l'Estérel avant d'arriver à Cannes puis Nice.

le Val de Durance

Remontant la Drôme puis la Durance, ce train de nuit rallie Briançon et sa belle citadelle Vauban à la capitale, en passant par le Dévoluy et le massif des Ecrins. Aujourd'hui il part avec la rame du Train Bleu au départ de Paris et s'en détache à Valence ou des BB 67400 prennent le relais. Ou plutôt prenaient puisque les nouvelles BB 75300 ont pris le relais au service horaire 2016. Particularité de ce train: en été il comporte un wagon porte-auto faisant donc de lui le dernier train auto couchettes (TAC) de France!

Comment parler de Briançon sans évoquer des pointes hivernales ! Tous les hivers à l'occasion des vacances de Noël et de Février sont mis en place (de moins en moins malheureusement) des trains supplémentaires à destination des Alpes et de leurs pistes de ski. Provenant avant de toute la France voir de l'étranger, il ne reste aujourd'hui que des trains couchettes provenant de Paris-Austerlitz, qui utilisent pleinement la capacité de la voie unique entre Valence Gap et Briançon, où ce flux doit s’insérer dans un graphique TER lui aussi renforcé à l’occasion des vacances d’hiver. Ces trains supplémentaires sont l’occasion de voir de jolies scènes de vie dans les gares le long du parcours comme ici à Briançon un soir de fin de vacances 2016 : dernier casse-croute, dernière histoire avant le grand voyage, on range la luge, les skis sur le dos, et c’est l’embarquement !

le Côte Vermeille

Retournons sur l'arc méditerranéen mais côté espagnol cette fois ci, sur la Côte Vermeille, qui elle aussi a son train de nuit éponyme. Arrivant de Paris par Brive et Toulouse, il change de sens à Narbonne pour longer la Mer; il traverse tout d'abord les fameux étangs: Gruissan, Port la Nouvelle, Leucate la Franqui... où il marque d'ailleurs des arrêts en période estivale. Il dessert ensuite le "Centre du Monde" de Dali, la gare de Perpignan, avant de s’arrêter à toutes les (très jolies) gares côtières des Pyrénées Orientales, en offrant par la même un magnifique spectacle au lever du soleil sur cette côte vermeille, s'étalant d'Argelès-sur-Mer à la frontière espagnole (Port-Bou) en passant par Collioure, Port-Vendres, Banyuls-sur-Mer et Cerbère.

Paris - Luchon

Restons dans les Pyrénées et remontons vers une ligne désormais disparue et son train de nuit avec elle: la ligne Montréjeau-Luchon. Les amateurs du Midi sont ravis: rail DC, caténaire midi, jolies petites gares, ligne dans son jus, le tout dans des paysages magnifiques ... Mais l'état de la voie, les limitations à 10km/h, auront eu raison de cette ligne en Novembre 2014, du TER survivant et du train de nuit pourtant bien utile à la station de Superbagnères de Luchon, qui permettait de rejoindre facilement depuis Paris la très belle station thermale et sportive de Haute-Garonne. Chasse gardée pendant très longtemps des BB 8500, le lunéa 3990/1 a vu passer quelques BB 9300 sur leur fin en 2012 (grâce à quelques arrangements!), et pour ses derniers mois de circulations, les BB 7200 ont été autorisées à la ligne et ont assuré ce train de Luchon à Toulouse avec rebroussement à Montréjeau. Dans la ville rose il s'y raccordait au Côte Vermeille, le lunéa en provenance de Latour-de-carol faisant de même, cela faisait un beau bébé à 16 voir 17 pièces à la remontée sur Paris!

l'Autan

Portant le nom d'un vent du Sud-Ouest, le train de nuit Nice - Irun via Marseille - Toulouse - Bordeaux - Dax n'aura pas survécu à la fin d'année 2013. Très pratique pourtant vu les temps de parcours sur la transversale Sud, rien ne l'a malheureusement remplacé en début de matinée...

Rialto, Palatino… les relations France - Italie

La relation France-Italie, que ça soit par Vallorbe, par Modane ou Vintimille, comportait jadis un très grand n'ombre d'Euro-Night à destination de Venise, Florence, Brindisi, Remini... En 2011 la SNCF annonce qu'elle se retire de ces trains et du consortium "Artésia" créé avec les chemin de fers italiens FS. Il ne restait alors que le Rialto pour Venise (EN 220/1) et le Palatino pour Rome (EN 226/7). Thello inaugure fin 2011 le premier train de voyageur privé en France en reprenant le Paris - Venise, avec ses BB 36000 ex SNCF louées à Akiem. L'année suivante ils tentent de relancer le Paris-Rome mais sans succès. Il ne reste donc aujourd'hui plus qu'un train de nuit au départ de Paris, qui passe par Dijon, la ligne de la Bosse, Vallorbe, Domodossola (à la frontière helvético-italienne) et qui arrive au bord du Grand Canal, en gare de Venezia Santa Lucia, au Cœur de la Sérénissime.

Lorazur - Alsace Riviera

Deux trains au parcours désormais commun, et même quatre : Luxembourg-Nice/Port Bou (Lorazur) et Strasbourg-Nice/Port Bou (Alsace Riviera). Jadis 4 trains complets, ils font désormais le trajet couplés deux à deux, avec une compo réduite à 8 caisses. Au départ de Strasbourg et de sa belle verrière, le 4283 s’élance vers Belfort derrière une 26000. Pendant quelques années le trajet Belfort-Dijon a été fait via Culmont Chalindrey et la fameuse ligne 4 nécessitant donc l’utilisation des gros CC 72100. Depuis Décembre 2015 le lunéa a retrouvé son itinéraire via la vallée du Doubs et Besançon. Quel plaisir de voyager en couchette sur la ligne 4 bercés par le doux ronronnement du diesel, en traversant la paisible campagne haut-saônoise seulement éclairée par les vitres des autres compartiments et par la Lune… A Chalindrey (et donc maintenant Dijon), les manœuvres (en douceur !) brassent au cœur de la nuit les deux coupons à destination de Nice et Port Bou avec leurs homologues arrivés conjointement de Luxembourg/Metz/Nancy un peu plus tôt. Deux BB 26000 prennent le relais pour ces deux nouveaux trains destinés aux deux extrémités de l’arc méditerranéen. Ils filent vers Lyon puis Marseille pour l’un, qui après tête à queue en gare St Charles repartira derrière une BB 22200 vers Nice, et vers Montpellier Narbonne Perpignan Cerbère et Port-Bou pour l’autre. Et le retour s’effectue exactement de la même manière pour ce « quadritranche » !

les TAC

TAC : Trains Auto Couchettes. Le concept est simple : la voiture vous suit en vacances ! Soit sur le même train soit sur un autre train qui suit le train de nuit. En France il ne reste plus que des trains d’auto seuls, qui suivent les lunéas. Les voitures chargées à Paris-Bercy descendent en trois trains : un pour Marseille qui dessert depuis Lyon la vallée du Rhône (un wagon laissé à Valence est accroché en été au train de nuit pour Briançon), un qui dessert de Fréjus à Nice la côte d’Azur, et le troisième descend par Brive à Toulouse où une partie continue sur Narbonne, et l’autre va à Bordeaux et Biarritz. A l’arrivée la voiture est déchargée du wagon grâce à des rampes spéciales. Le concept est également utilisé par les trains d’agences étrangères, qui venaient tous les étés depuis l’Allemagne ou les Pays-Bas à destination du sud de la France. Le dernier train de ce type a été supprimé en 2014.

la Vallée Blanche

Ce train de nuit a pour destination St Gervais les Bains - Le Fayet. Il se détache actuellement à Chambéry de sa tranche Bourg-St-Maurice pour monter seul sur Aix-les-Bains, Annecy et son lac, La Roche sur Foron, Sallanches puis son terminus St-Gervais où il donne correspondance au train métrique du Mont Blanc Express pour Vallorcine.

Paris - Moscou

Ce train relancé par les RZD (chemins de fers russes) fait traverser dans de luxueuses voitures modernes toute l'Europe a ses voyageurs ralliant Paris depuis Moscou à raison de deux allers-retours hebdomadaires.

L'éco

Pour finir, petit écart avec l'intercités 100% éco qui roule de jour.. avec une rame de nuit! Ralliant Paris à Toulouse à petits prix il permet également aux photographes de fixer la belle rame de 15 pièces tout au long de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse de jour!


Terminus du train ! tout le monde descend...

Un dernier regard vers ce train qui nous a fait traverser la France sans nous en rendre compte, qui repart au levé du jour dans une ambiance matinale bien fraiche…

J'espère que ce petit reportage vous aura donné envie de voyager à bord des derniers trains de nuit français qui n'en ont plus pour très longtemps à vivre à mon plus grand regret…